Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine, je fis l’acquisition d’une G11 d’occasion modèle stepper. Pour ceux qui ne connaissent pas, ça veut dire avec des moteurs en DEC et RA, mais pas de Gémini (le système Goto vendu par Losmandy, le fabriquant de la monture). Une monture très stable, capable d’emmener 25kg de matos, mais juste le suivi et une raquette 4 boutons. Ça, c’était en 2015.

       Pendant deux ans, j’ai pointé en utilisant tour à tour les étoiles avoisinantes (le fameux star hopping). J’ai amélioré en ajoutant un petit (j’ai dit petit...)  coup de laser afin de confirmer la position, puis j’ai calé les cercles de déclinaison et d’ascension droite sur des étoiles références pour avancer en différentiel. Enfin, pour tout dire, je me suis bien fait ch… pour trouver de petits objets, tout en pensant que j’étais un puriste. Une photo de 30 sec, ISO à plein taquet, rien sur le capteur, je me décale un peu etc etc... Certains diront que c’est formateur. Moi, je dirai que c’est une perte de temps. :)))

       Puis, j’ai découvert All Sky Plate Solver, et ma vie a commencé à changer. Je savais où j’étais sur la voute céleste, et en quelques itérations, je trouvais les objets. Un peu artisanal et longuet, mais efficace. J’ai commencé à loucher vers les systèmes Goto, mais il m’a vite fallu déchanter quand j’ai constaté que les Gemini étaient constitués de composants en rubis et diamant, assemblés sur un circuit imprimé en or massif, et que pour m’en procurer un il me faudrait vendre un organe ou intégrer un cartel et trafiquer de la cocaïne. Ce constat fait, je me suis tourné vers l’occasion, mais les Gemini 1 que l’on trouvait à l’époque étaient beaucoup trop basiques et plus du tout dans l’air du temps. Il fallait du neuf, un système qui puisse remplir mes souhaits les plus fous.

       Georges, notre maître à tous, s’était approché de moi un soir où le vent soufflait sur le plateau aride de Calern, et m’a murmuré de sa voix sourde et rocailleuse qui impose respect et silence :

"Stéphane, j’ai vu un projet en train d’éclore sur la grande toile, va, suit le et revient avec le Graal. Ce projet c’est Onstep, il est amené à grandir. »

       Je me vois encore écoutant la parole divine, et les yeux remplis d’admiration retourner à mon télescope et me dire: "Jamais, jamais, je ne décevrai le maître, je ne reviendrai qu’avec le projet Onstep". J’ai enfilé ma cape et rabattu la capuche sur mes yeux et ainsi a commencé la longue quête. En ce temps-là, fin 2016, nous communiquions encore par Yahoo afin de trouver des bribes d’information. Le temps a passé, les saisons se sont succédé et mes tempes ont blanchi. Ma mémoire n’est plus aussi vive qu’en ces temps héroïques lointains.

       Mais je me souviens encore de ces nuits passées à tenter de comprendre pourquoi les composants achetés il y a trois mois au pays du soleil levant n’arrivaient pas,  pourquoi le microprocesseur pourtant convenablement connecté au port USB avait brûlé, pourquoi le compilateur de la Teensy correctement paramétré refusait obstinément de compiler, pourquoi le mode du driver TMC2130 pourtant évidemment programmé ne lançait pas les moteurs qui restaient immobiles : pourquoi, pourquoi, pourquoi. Tant de questions, que j’ai fini par me prendre pour le petit prince. Mais tous ces combats menés pendant que d’autres se prélassaient devant Netflix, vautrés dans leur sofa en sirotant des bières et en mangeant des pistaches, je ne les regrette pas.

       Outre le fait que je connaisse à présent, par cœur, la grille nocturne et matinale de France inter et France culture, j’ai rencontré sur la toile d’autres combattants nocturnes qui, une fois leur dur labeur journalier accompli, venaient rejoindre l’armée des testeurs et nos échanges épistolaires numériques ont fini par nous mener à la lumière. La lumière, elle m’est apparue un soir, alors que j’avais recompilé pour la 100ème fois ce put.. de code, mais que cette fois, je n’avais pas eu de messages d’erreur.

      J’avais alors fébrilement allumé le smartphone Android et connecté le module bluetooth. Sous mes yeux, l’application rouge sur fond noir m’invitait « appuie sur une touche de direction » . Tremblant, j’ai alors posé mon doigt sur la touche Nord et le premier moteur s’est mis à tourner. Osant à peine le croire j’ai alors appuyé sur la touche Est et, ô miracle, le second moteur s’est mis en route. Comme dans un rêve, j’ai alors demandé un goto M108 et les deux moteurs se sont mis en marche. Ce fut alors comme une révélation : j’avais réussi ! Je passe sur l’installation de la carte Wifi, de la carte ethernet, du système de mise au point, de la PEC qui m’ont coûté quelques heures de sommeil. A présent, à moi l'autoguidage, le dithering, la MES et le pointage par plate solving.

      Voilà, un projet qui est beau et formateur, et qui depuis s’est considérablement développé. Pour faire un résumé des caractéristiques, Onstep est un système Goto qui fonctionne avec des moteurs pas a pas (les miens sont à 400 pas, soit 0.9° par pas) et permet de piloter pas mal de montures (équatoriale, alt-az, à fourche, etc…). Le concepteur a développé, outre le microprogramme, un driver Ascom, un logiciel Android et une logiciel PC de carte du ciel. De nombreuses plateformes avec différents microprocesseurs sont possibles, et la commande peut se faire en USB, bluetooth, wifi et ethernet.

Le driver Ascom rend possible la connexion à tous les softs et il supporte également le protocole LX200. Autant dire qu’il y en a pour tous les goûts, et bien que mon système soit opérationnel depuis 2017, j’en suis toujours amoureux. (Teensy 3.6)

Si vous cherchez un sens à votre vie et accessoirement à motoriser votre télescope :

http://www.stellarjourney.com/index.php?r=site/equipment_onstep

https://onstep.groups.io/g/main/wiki/3860

Stéphane Debalme